JE T'ÉCRIS UNE LETTRE MANUSCRITE
Le monde marche sur la tête!
Lorsqu'elle retourne la terre, la moissonneuse batteuse ramène toutes les petites bêtes microscopiques, qui n'avaient pas besoin d'oxygène, à la surface et elle enfonce toutes celles qui étaient à la surface car elles avaient besoin d'oxygène, en profondeur. A cause de nous, toutes les petites bêtes marchent, elles aussi, sur la tête!
Chamboulés, désorientés, collemboles et vers de terre n’arrivent plus à faire leur travail de digestion, de transformation et d’aération des sols. Les racines des arbres ne s'installent plus profondément dans la terre, la pluie ne peut plus couler sans provoquer d'inondation. En voulant augmenter le rendement de la terre avec des techniques efficaces, nous l'avons rendu compacte comme du béton! Ce qui provoque des ouragans et des inondations!
Sans m'en rendre compte, j'ai longtemps appliqué les techniques d'agriculture intensive à ma propre terre intérieure. J'ai coupé mes idées, taillé mes aspirations et étouffé mes rêves sous des tonnes d'engrais en tous genres, jusqu'à ne plus pouvoir entendre ma propre petite voix intérieure. J'ai laissé la bétonisation du monde extérieur entrer profondément en moi.
Écrire est un remède formidable contre la bétonisation de notre terre intérieure. J'écris tous les matins depuis plus de 20 ans. Écrire me rend plus solide, plus ancrée. Poser des mots sur ce que je vis, pense et ressens, m'aide à digérer, transformer et aérer ma propre terre intérieure.
En plus d'écrire tous les jours, j'ai commencé à écrire des lettres à mes amies et plus récemment à des personnes que je ne connais pas . Il se passe quelque chose de magique lorsque j'écris à quelqu'un. Je me connecte à la personne et c'est comme si mon stylo avançait tout seul sur le papier. Parfois j'ai même du mal à suivre. C'est mon stylo qui mène la danse .
Poser des mots en silence sur le papier est un travail de vers de terre. Ce serait un honneur pour moi de vous écrire pour vous aider à aérer votre propre terre intérieure.
Concrêtement, que dois-je faire pour reçevoir une lettre manuscrite?
Pour vous écrire, j'ai besoin d'un point de départ: une question que vous vous posez, un blocage que vous avez, un éclairage que vous aimeriez sur un aspect de votre vie.
Vous pouvez m'écrire un message directement ounous pouvons nous rencontrer en visio pendant 15 minutes, si vous préférez. Cela me permettra d'avoir un point de départ.
Ensuite, vous n'avez plus rien d'autres à faire que vérifier votre boîte aux lettres. Oui, celle devant votre maison!!
Hâte de vous écrire :)
Est-il possible d'offrir l'une de vos lettres en cadeau?
Oui, bien sûr. Je vous propose que nous nous rencontrions 15 min en visio ou par appel téléphonique, pour que vous puissiez me dire un peu à qui et pourquoi vous voulez faire ce cadeau, me parler un peu de la personne à qui j'écris, si il y a un sujet qu'il serait particulièrement bien que j'aborde dans ma lettre etc.
Lettre écrite à une voisine
Bonjour Madame,
C’est Éléonore du 6ème étage qui vous écrit. Nous nous rencontrons parfois dans l’ascenseur
Je vous avais écrit cette lettre au début du mois d’août et je n’avais finalement pas osé vous l’a donné. Peut-être qu’elle n’est plus d’actualité du tout, mais la voici finalement, juste parce que c’est bien de mener chacun de ses projets,aussi petits soient-ils, jusqu’au bout.
Je me permets de vous écrire car j’ai un rêve, celui d’ouvrir un espace de travail pour des professionnels travaillant dans le milieu artistique. Je rêve de ce lieu convivial, chaleureux, propice à la création, dans lequel il y a une grande table ronde autour de laquelle nous nous retrouvons toutes et tous ensemble le soir afin d’échanger sur l’avancée de nos projets. La meilleure manière de se rapprocher de son rêve, c’est de le faire, même à une toute petite échelle. J’en rêve tellement que je me suis dit que j’allais commencer à chercher un lieu. A peu près au même moment, ma voisine, la locataire de votre appartement m’a dit qu’elle déménageait.
Que diriez-vous de garder la fibre artistique instaurée par votre locataire dans votre appartement du 6ème en le louant à 2 ou 3 artistes comme lieu de travail ? Je serais ravie de m’occuper de la location. Le loyer que vous demanderez sera celui que je demanderai aux 2/3 personnes occupant le lieu pendant la journée. Comme il s’agît d’un appartement et non d’un atelier, il ne s’agirait que de personnes travaillant dans le même milieu artistique que moi,c’est-à-dire des écrivains, scénaristes, qui n’ont besoin que d’une table,d’une chaise, d’un papier, d’un stylo ou de leur ordinateur.
J’ai mis longtemps à comprendre à quel point je suis profondément artiste et que la seule manière pour moi d’être vraiment bien, c’est en travaillant pour offrir plus de beauté au monde. Mon rêve avec cet espace de travail est surtout de créer un endroit pour favoriser la création de beauté. Un espace pour réfléchir et penser le monde.
Depuis le début de la crise sanitaire, il nous ait répété de n’acheter que l’essentiel, nous sommes ainsi privés de théâtre, de musée, sous entendant que l’art n’est pas « essentiel ». ! Heureusement nous pouvons nous évader dans nos livres, des films et des transmissions de spectacles via la télévision et internet. Le coronavirus n’est que la pointe de l’iceberg d’une crise qui est profondément humaine. Je suis peut-être une grande idéaliste mais je me dis que si nous avions un peu plus de temps pour penser le monde ou si nous prenions un peu de ce temps pour nous poser et nous émerveiller du miracle de la planète sur laquelle nous vivons, nous n’irions pas enquiquiner des pauvres chauves-souris, qui n’ont rien demander à personne et éviterions ainsi de bouleverser des écosystèmes entiers.
La location de votre appartement à quelques artistes leur permettrait de profiter d’un lieu convivial et chaleureux, propice à la concentration et donc à la création du monde de demain. C’est-à-dire un lieu de résistance, car créer c’est résister. Ma demande est un peu farfelue et originale mais qui ne tente rien à rien et je serais ravie de vous rencontrer pour parler avec vous plus en détails de mon projet et répondre à chacune de vos questions si vous en avez.
Cordialement,
Éléonore Nicolas
Lettre écrite au président de la République - 27 Mai 2021
Monsieur le Président de la République,
Connaissez-vous l’épisode de Mister Bean dans lequel on lui a confié la garde d’une peinture célèbre, une icône de l’Amérique de James Abbott Whistler, connue sous le nom de ‘La mère de Whistler’. En l’inspectant de prés, Mister Bean éternue sur la peinture et s’empresse de la nettoyer avec un mouchoir sorti de sa poche. C’est alors qu’il s’aperçoit qu’il avait un stylo qui fuyait dans sa poche et qu’il venait de recouvrir une partie du visage de la Mère de Whistler d’encre bleue. Plus il essaye de réparer son erreur, plus il panique et plus ça empire
Cette loi pour une sécurité globale, dont le nouveau nom est ‘pour une sécurité globale préservant les libertés’, qui vient d’être promulguée, ne serait-elle pas en train d’empirer les choses elle aussi ?
La France n’a jamais compté autant de personnes défigurées, de gueules cassées et de morts, victimes de violences policières qu’au cours de ces 10 dernières années. La France a attrapé une maladie auto immune où celles et ceux dont le premier rôle est de nous protéger se retournent contre leur propre population. Si la France est malade, il ne suffit pas de prendre sa température, comme l’a dit votre ministre de l’intérieur, mais surtout de comprendre les causes de sa maladie
Notre police est exténuée, elle n’en peut plus. On leur demande de faire des heures sup, de travailler à l’autre bout de la France, loin de leur famille, elle subit une pression constante de la part de sa hiérarchie. C’est la profession dans laquelle il y ale plus haut taux de suicide ! Et au lieu de les écouter réellement, d’entendre et de satisfaire leurs besoins, vous essayer de remédier à ce problème majeur de notre société avec un mouchoir rempli d’encre dans lequel est écrit cette loi !
Des milliers de personnes dans les rues auront réussi à faire trembler cette loi liberticide et à en faire tomber tout juste quelques mots, sans qu’elle ne soit abrogée, ni que son fond en soit changé, car ce texte a été écrit et modifié avec la peur, un ciment puissant contre lequel il est difficile d’argumenter.
Ainsi, le fameux article 24 ne stipule plus une pénalisation de la diffusion d’images avec intention de porter atteinte aux policiers mais un délit de provocation à l’identification. Je ne suis pas experte en loi mais cette nouvelle version est floue et donc tout aussi dangereuse, car il est plus facile d’abuser d’une loi lorsque ses contours son flou. D’ailleurs la loi n’avait pas encore été promulguée que notre police a déjà mis des journalistes à terre, parce qu’ils prenaient des photos pendant une manifestation et faisaient donc leur travail de journalistes !
Et c’est cette rue justement que cette loi permet de quadrillée, cadrer, surveiller constamment avec encore plus de caméra piétons, de caméras sur les policiers et de drones.
A défaut de pouvoir décider de ce que l’on peut dire et ce que l’on ne peut pas dire, vous ronger notre liberté d’expression petit à petit en utilisant tous les moyens pour dissuader les citoyens et citoyennes de s’exprimer !
Paniqué, Mister Bean efface la tâche avec ce qu’il croit être du vernis. Effectivement, en frottant, l’encre a disparu et Mister Bean était rassuré. Mais il découvre avec horreur que ce qui l’avait cru être une sorte de vernis était en fait de l’acide qui était en train de brûler le visage de la mère de Whistler, ainsi que la toile sur laquelle elle avait été peinte.
Tous vos mots, toutes ces phrases qui constituent cette loi pour une sécurité globale sont comme l’acide utiliser en panique par Monsieur Bean, mais qui efface le visage de notre police tout en précisant le visage de la population.
En voulant effacer le visage de la police, ce sont les fondements même de notre république démocratique que vous effacez. Votre projet de loi est encore plus virulent que de l’acide car il brûle jusqu’au pilier de notre constitution, en brûlant notre première des libertés, la liberté d’expression
Pendant plus d’un an nous vous avons écouté régulièrement pour que vous nous disiez à combien de kilomètres nous aurions droit de nous déplacer de notre domicile. A la fin de vos allocutions, vous avez toujours dit ‘Vive la République !' Mais de quelle république parlez-vous ? Comment peut – elle être en marche si vous la piétiné avec vos lois liberticides ?
Le tableau ‘La mère de Whistler’a été acheté par l’état Français en 1891. C’est aujourd’hui l’une des plus célèbres œuvres d’un artiste américain conservée hors des États – Unis.
Mais Monsieur le président, sommes nous obligés d'importer tout ce qui vient des États-Unis?
Et le vrai problème monsieur leprésident, c’est que vous, vous n’êtes pas un clown…
Lettre écrite à Gigi
Ma Gigi,
Tu arrives dans quelques jours à Paris. Maman me dit qu’aucune des propositions d’appartement qu’elle t’a trouvé ne t’ont convenues. Tu vas donc aller dans la petite chambre de bonne où tu entreposes tes affaires. Je t’écris ces quelques mots en espérant qu’ils te réchauffent le cœur à ton arrivée.
Quelque chose de magique se passe dès que je pose mon stylo plume sur la feuille, c’est lui qui mène la danse,j’essaye de suivre tant bien que mal, c’est comme suivre un cheval au galop. Je sais bien qu’il s’agît de ma propre main, c’est moi qui devrais contrôler lemouvement mais je t’assure que c’est autre chose qui se passe. Je laisse voir où ma main m’emmène, quel mot elle va me faire écrire et plus je laisse faire,plus il y a de trésors sur la route. Je crois que dès que je pose mon stylo plume sur la feuille, ma main m’emmène vers mon cœur. J’écris à la main pour écrire avec le cœur.
Comme tu le sais, j’ai choisi d’écrire mon mémoire sur Marie-Antoinette. Je voulais creuser les clichés derrière lesquels Marie-Antoinette a été enfermée. Aller au-delà de la légende de la reine dépensière qui se fiche du peuple ou de la reine martyre. J’ai appris que c’était une femme hyper moderne, qu’elle s’occupait souvent de ses enfants, que le hameau qu’elle a fait construire et qu’on lui a tant reproché,était entre autres pour montrer à ses enfants la vraie vie paysanne. Bon je n’oublie pas qu’elle était franchement bien à l’ouest car elle a boudé quand Necker a refusé de lui construire un volcan en éruption. Oui, un vrai volcan en éruption. C’était une petite fille pourrie gâtée qui faisait des crises quand on ne lui donnait pas ce qu’elle voulait. Mais tant que l’on ne s’occupe pas de l’enfant blessé en nous, c’est lui qui s’occupe de nous. Nous ne devenons de véritables adultes que lorsque l’on s’occupe de l’enfant blessé à l’intérieur de nous.
Marie- Antoinette a été coupé de sa famille à 14 ans, on lui a enlevé tout ce qu’elle avait d’autrichien surelle, ses servantes, son petit chien, même ses sous-vêtements, de manière à ce qu’elle ne ramène pas le moindre bout de tissus d’origine autrichienne à Versailles et elle a passé ses 19 années à Versailles à essayer de sortir des barreaux rigides de l’étiquette de Versailles avec les moyens d’une petite fille. Lorsque l’on regarde le plan des jardins de Versailles par Le Nôtre et le jardin du hameau de la Reine au Grand Trianon. Le premier est tout rigide,le second est sinueux, avec des lignes courbes. Ce contraste que l’on retrouve au niveau de la terre, on le retrouve partout. Au château, Il y a l’étiquette rigide qui régule les relations, au domaine de la reine, c’est le cœur qui régule les relations. Marie-Antoinette a réussi à sortir des barreaux rigides de la lourde étiquette de Versailles en laissant son cœur parler.
Je me demande comment ça se fait que tu te retrouves dans cette petite chambre de bonne. En te parlant de Marie-Antoinette qui a réussi à sortir des barreaux rigides de l’étiquette de Versailles en suivant son cœur, je pense aux frontières que l’on a en chacun de nous.
Tout ce qui se passe dans le monde dans lequel nous vivons n’est qu’une extériorisation de ce qu’il se passe à l’intérieur de nous. Nous sommes dans un monde où l’on construit des murs perpétuellement, mais ces murs sont construits par des êtres humains, donc les frontières, les grillages, les murs, sont bien des émanations de ce qui se trouve à l’intérieur de nous.
L’image que l’on a de quelqu’un peut être complètement faussée tant que nous n’avons pas été vérifier par nous-mêmes. Je crois que ce que j’essaye de te dire c’est que je me rends compte avec quelle facilité je crée des frontières dans mon propre esprit et je me dis que peut être ça arrive à d’autres, peut-être à super Gigi. Peut-être que tu préfères être dans ta petite chambre de bonne. C’est déjà une chance que tu aies pu trouver cet endroit pour y entreposer tes affaires mais je n’arrête pas de penser à toi qui va devoir sortir de ta petite chambre pour aller aux toilettes sur le palier à 90 ans !!
Ma Gigi, tu es une adulte responsable et chacun s’occupe de sa vie comme il et elle l’entend. J’ai peut-être loupé quelque chose, mais j’avoue que je ne comprends pas pourquoi tu te mets dans ce genre de situation quand je suis sûre que sur les 10 millions d’habitants à Paris, il doit bien y avoir des loueurs RBNB avec des appartements chaleureux, avec des toilettes à l’intérieur de leur appartement.
Je comprends qu’avec la violence de notre monde, dont on nous parle constamment à la télé, il est facile de se fermer aux autres, mais je crois que petit à petit, on finit par tellement tout fermer que nous finissons par ne plus avoir accès à nous même.
En t’écrivant, je réalise qu’être doux, bienveillant envers soi-même est un acte de rébellion citoyenne, de désobéissance civile.
Il y a plusieurs années,j’écoutais l’interview d’une femme qui avait la possibilité d’habiter dans un appartement pour se reconstruire après avoir survécu dans la rue. Cette femme racontait qu’au début, elle accueillait les personnes qu’elle avait connu dans la rue, à l’intérieur de son appartement. Elle a arrêté le jour où on lui a fait comprendre qu’elle avait fait entrer la rue chez elle.
Je pense à cet interview car je me demande si super Marraine Gigi n’est pas en train de laisser la violence du monde extérieur dans son propre chez elle ? Je sais que le monde peut paraître violent, mesquin, égoïste, âpre et acide, mais la rugosité du monde,l’acidité de notre société doit-elle rentrer chez nous ? Ne devons-nous pas faire en sorte qu’elle reste à l’extérieur de notre appartement ? et surtout de nous-même ?
Ma Gigi, en t’écrivant ces mots,je réalise que prendre soin de soi un acte profondément citoyen. Et pour moi tu fais partis des gens qui prennent bien soin d’eux. Tu es toujours hyper bien habillée, apprêtée, maquillée, tu sens toujours bon le parfum que moi j’appelle le ‘parfum Gigi’ et tu me racontais, ce que je trouvais génial, que tu prenais des cours de yoga près de chez toi.
Je crois que l’on fait perdre ses forces à une personne lorsque l’on cherche à s’occuper d’elle si elle ne nous l’a pas demandé. Chaque personne est souveraine d’elle-même. Mais en t’imaginant dans ta chambre avec les toilettes sur le palier, j’avoue que je me demande quelle frontière, quelle limite s’est formée dans ta tête pour que tune t’accordes pas le plaisir d’un appartement douillet et chaleureux.
J’espère que les mots déposés sur le papier t’auront réchauffé le cœur.
Je suis là si tu as besoin de moi.
Je t’embrasse fort,
Éléonore